THEOPOLIS
· THEOPOLIS
« L’image est une prise de vue sur l’imagination du rêve »
(Foucault).
Les images de Philippe Calandre sont
rassemblées sous le titre THEOPOLIS
(« Cité de Dieu » augustinienne),
mentionnée par une Pierre écrite,
gravée au IVème s. sur la face d’un rocher dans les montagnes proches de la
Durance. Théopolis est un lieu mythique par sa puissance attractive et
l'enchantement qu'il engendre. Elle est aussi un leurre fécond, une mémoire
indurée. Théopolis c’est allégoriquement
cette image intrigante et énigmatique d’un village lové au pied d’un haut
rocher, dont les façades sont désormais aveugles. Un pont sur la rivière permet
de franchir la rive où domine une hallucination évocatrice de la Cité Fantôme.
D’autres images s’ouvrent sur des constructions architecturales qui
induisent une critique de l’état du monde, et incitent à des formes de
contemplation interrogative ou inquiète. Ces visions ne sont pas exemptes
d’ironie, de jeux de l’esprit, ni d’obsessions archétypales. Elles renvoient à l’idée
d’Ernest Bloch selon laquelle « l’art est un laboratoire mais aussi une
fête de possibilités ainsi que des alternatives expérimentées en elles, où
l’exécution tout comme le résultat se présentent comme une illusion fondée,
c’est-à-dire comme pré-apparaître d’un monde accompli… ».
De telles œuvres obéissent à une poétique de
l’espace et sont imprégnées de la réalité du sol. Les divers types d’édifices
transpirent le secret de leurs froides
et improbables fonctions, sculptures hyperboliques d'un monde
instrumentalisé par la mécanisation et la rationalité humaines. Ils
s’articulent entre eux, sur les lieux-mêmes de leur implantation, par des
ponts, des routes, des passerelles, des ponts-viaducs, -autant de linéaments
qui focalisent le regard au moyen de puissantes lignes de fuite, convergentes
ou divergentes.
Ils ont été insérés dans des lieux associant
des ciels impavides, qui surplombent de puissants substrats rocheux calcaires,
lesquels retiennent le regard par leur
plastique tourmentée. Ciels, zones
rocheuses aigües s’articulent aussi avec le déroulé d’un fleuve et sa
ripisylve. On reconnaît là la signature géographique du milieu durancien et
maritime que l’artiste a, au préalable, patiemment parcouru, scruté, exploré,
photographié.
La présence récurrente d’ouvrages d’art sur
arches et voûtements ne renvoie-t-elle pas
à la mémoire iconographique de Giorgio di Chirico
où l’on retrouve ces architectures urbaines désertées et noyées dans une
lumière blafarde? Chez Calandre, ce temps scellé cher à Tarkovski surgit
de paysages qui sont en attente d'un événement, alors qu’ils ont été abandonnés
par les hommes. Ils le sont d’autant plus qu’ils ne sont pas fardés de couleur,
laissant à un pur noir/blanc un scintillement cristallin qui vient unifier la substance de ces visions
d’une Théopolis hors du temps en tout lieu.
J.-C. Meffre
Docteur de l' Université
Chargé de recherches et
d'opérations Institut de Recherches en Archéologie Préventive
Chercheur associé
Centre Camille Jullian (UMR 6375)
Archéologue //
Vaison-la-Romaine
THEOPOLIS
“The image is a take on the imagination of
dreams.” – Foucault
The images of Philippe Calandre are
gathered under the title THEOPOLIS (Augustinian “City of God”), mentioned on a
stone tablet, engraved in the 4th century on the face of a rock in
the mountains near the Durance river. Theopolis is a mythic location; mythic
because of its attractive power and the enchantment that it engenders. It is
also a fecund entrapment, a hardened memory. Theopolis is allegorically an
intriguing and enigmatic image of a village coiled at the foot of a high cliff,
whose facades are forever rendered blind. A bridge on the river permits passage
to the point where an evocative hallucination dominates the Phantom City.
Other
images open up on architectural constructions that induce a criticism of the
state of the world, and incite interrogative forms of contemplation or worry.
These visions are not exempt of irony, of mind games, nor of archetypal
obsessions. They recall the idea of Ernest Bloch according to which “art is a
laboratory but also a play of possibility in as much as alternatives experiment
with themselves, where both the execution and the result are presented as an
illusion, that is to say as they appear prior to a finished world.”
Such
works obey a poetics of space and are impregnated with the reality of the
earth. The diverse types of edifices disgorge the secrets of their cold and
improbable functions, hyperbolic sculptures of a world technologized by
mechanization and human rationality. They articulate between themselves, on the
very sites of their construction, through bridges, roads, walkways, viaducts –
so many lineations that focus the gaze by means of powerful lines of flight,
converging or diverging.
They
have been inserted in places associating impassive skies that overhang potent
substratum of calcified rock, that retain the gaze through their tormented
plasticity. Skies, sharp rocky zones, are also articulated with the unwinding
of a river and its riparian vegetation.
One is able to recognize the geographic signature of a waterway that the
artist beforehand patiently traveled, scanned, explored, and photographed.
Does
not the recurring presence of art on arches and vaults brings back the
iconographic memory of Giorgio de Chirico, in whose work one finds urban spaces
deserted and drowned in a pallid light? In Calandre’s work, the time sculpting dear to Tarkovsky emerges
from landscapes that are waiting for an event, even as they were abandoned by
men. All the more in that they are not painted in color, leaving a pure black
and white, a glittering crystalline that ends by unifying the substance of
these visions of a Theopolis outside of time in all place.
traduction: Délia Morris
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